L'accompagnatrice by Berberova Nina

L'accompagnatrice by Berberova Nina

Auteur:Berberova, Nina [Berberova, Nina]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Actes Sud
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


6

Je savais qu’il allait falloir, tout à l’heure, dire à Maria Nikolaevna que Ber était venu – ce même Ber que, depuis des mois, j’avais complètement oublié et dont l’existence dans le monde m’était seulement sensible par quelque instinct de chien. C’était ce même homme pour qui j’avais posté une lettre, sur la Liteïnaia, le premier soir de mon travail chez les Travine. Maintenant il était à Paris. Nous avait-il suivis ? J’étais prête à garantir que non. Sans aucun doute, il était sorti de Russie par le Nord, et le voilà ici, et (après un an d’absence) c’était sa première apparition dans la vie de Maria Nikolaevna.

« Tu n’en as pas assez ? – me disais-je. – Tu te sens mal ? Que veux-tu, et pourquoi cherches-tu à démolir cette existence où l’on t’a reçue avec tant de confiance ? » Je me tenais des deux mains à un trumeau étroit et je me regardais dedans, je regardais mon visage comme si je ne l’avais jamais vu d’aussi près. Et plus je me regardais, plus il me semblait que ce n’était pas moi, mais l’autre, du fond de la glace, qui me regardait. Et qu’elle avait les yeux d’une personne décidée à mettre le feu à la maison. Que la mèche fumante était peut-être déjà serrée dans sa grande main pâle et noueuse.

— La mèche ? De quelle mèche s’agit-il ? – Dans la glace, derrière moi, je vis un visage rieur. Sans faire de bruit, Maria Nikolaevna était entrée dans la pièce. – Pavel Fedorovitch est parti aux courses, et moi je suis rentrée. Je vous en supplie, branchez le fer – j’ai un chiffon à repasser pour ce soir. Où est Dora ?

— Je repasserai, Maria Nikolaevna. Dora est sortie.

Nous étions debout au milieu de la pièce. Lorsque je vis qu’elle se tenait face à la lumière, de telle sorte que son visage ne pouvait me dissimuler aucun mouvement, je desserrai ma main et lui tendit le numéro de téléphone de Ber.

— Un monsieur est venu vous voir et a demandé que vous lui téléphoniez.

Elle dit « ouf » et s’assit.

— Qu’est-ce qu’il veut ? Qui c’est ? C’est peut-être pour Pavel Fedorovitch ?

— Non, c’est pour vous. André Grigorievitch Ber.

« Eh bien, en voilà assez ! Elle a pâli. Ça suffit. Ça suffit. La suite ne te concerne pas. Elle est devenue tout à fait pâle, elle va se trouver mal tout à l’heure. Tu es contente ? Voilà, elle se sent mal. »

Mais Maria Nikolaevna ne se sentait pas mal, et elle n’avait pas chancelé, comme il m’avait semblé, elle hocha seulement la tête. Elle prit le papier, le lut, demeura pensive. Je restais debout et j’attendais.

— Le fer à repasser, dit-elle sans me regarder, Sonetchka, j’avais demandé…

J’allai à la cuisine et branchai le fer. On n’entendait rien dans l’appartement.

— Et pendant qu’il chauffe, cria-t-elle tout à coup de sa voix forte, Sonetchka ! s’il vous plaît, appelez ce numéro.

Nous allâmes vers le téléphone.

— Vous



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